Les politiques environnementales: l’approche réglementaire
Section I :
L’approche réglementaire
Les pays développés disposent habituellement de plusieurs instruments différents pour combattre les pollutions. Nous nous proposons ici d’expliquer pourquoi ils tendent à avoir recours à des réglementations plutôt qu’à agir sur les prix en analysant les raisons pour lesquelles certains pays développés (notamment les pays de l’OCDE) (1) préfèrent ces instruments.
Ainsi, essaierons-nous d’examiner les effets des politiques nationales de l’environnement sur le commerce international. De telles mesures réglementaires peuvent prendre plusieurs formes dont les plus importantes sont :(2)
- Les limitations de la production
- Les normes-produit
- Les réglementations en matière de recyclage et d’emballage
A- Limitation de la production
a- Position de problème
Dans de nombreux cas, le moyen le plus direct de réduire la pollution consiste à réduire les productions polluantes. Nous postulerons qu’avec les technologies existantes, chaque unité produite cause une unité de pollution et donc génère une unité de « mal public » sans compensation sociale.
Admettons que la branche de production polluante soit dans une situation de concurrence parfaite et qu’elle soit implantée dans un pays trop petit pour pouvoir agir sur ses termes de l’échange.
Elle est donc en concurrence avec des importations qui sont offertes au prix mondial, considéré comme fixe(3). Nous postulons en outre que les autorités peuvent mesurer avec précisions et surveiller les émissions et qu’elles ont décidé de combien elles veulent les réduire.
b-Modalités de limitation de production
A des fins de comparaison, voyons d’abord le cas de l’institution d’une taxe dissuasive sur chaque unité produite. Cette taxe entraîne dans un premier temps un accroissement des coûts moyens et des coûts marginaux de la banche de production nationale égal à son montant.
La courbe de l’offre sur le marché intérieur se déplace vers le haut et comme les prix mondiaux ne changent pas, les entreprises du pays enregistrent des pertes pendant une période de transition.
A plus long terme, certaines cessent de produire et la production Intérieure commence à diminuer. Les importations au prix mondial, augmentent alors pour combler le déficit, les prix des facteurs baissent et les fonctions de coût se déplacent vers le bas.
L’équilibre est rétabli quand la baisse du coût des facteurs compense entièrement l’effet de la taxe sur le coût moyen tendanciel. Les entreprises restant en activité retrouvent des bénéfices normaux et la production remonte au seuil d’efficience. En ce sens, la pollution est réduite d’une façon efficiente.
Une autre possibilité consiste à limiter autoritairement la production des entreprises du pays en leur attribuant des quotas de production égaux.
Une telle mesure permet de réduire la pollution, mais elle est inéfficiente en ce sens que chaque entreprise se voit attribuer un quota inférieur à son seuil d’efficience. Ainsi, la réduction de la production obtenu par voie réglementaire entraîne une baisse moins importante de la demande de facteurs, donc de leurs prix, et un coût social plus élevé que la taxe.
Comme la taxe, la limitation de la production entraîne un déficit de l’offre qui est comblé par les importations. Au total, les deux instruments permettent d’atteindre le même objectif.
Toutefois, certains écologistes préfèrent choisir la limitation de production dans la mesure où elle présente deux grands avantages : Premièrement : le niveau de la pollution visée ne peut pas augmenter car la production est limitée directement par voie autoritaire et les infractions sont sévèrement sanctionnées(4).
Deuxièmement, il se peut que les écologistes souhaitent effacer les effets de pollutions passés.
Mais quelque soit la portée des avantages que peut présenter la limitation de production, celle-ci peut avoir des effets négatifs sur les échanges internationaux, en ce sens qu’elle entraîne une augmentation des importations.
Il en résulte pour les entreprises en concurrence avec les importations un préjudice qui peut prendre plusieurs formes (5).
A titre d’exemple, le recul des ventes, de la part de marché, de la production et de l’emploi qui entraîne l’augmentation des ventes de produits importés sur le marché intérieur suffisent pour prouver l’existence d’un préjudice.
B-Normes-produit
a-Définition
Normes-produit, réglementations techniques et systèmes de certification sont nécessaires au fonctionnement des économies modernes.
Comme les règlements, les normes-produit sont des spécifications techniques intéressant un produit donné. Une norme-produit diffère d’un règlement en ce sens qu’elle est d’application volontaire et qu’elle est habituellement définie par une branche de production ou un organisme non gouvernemental de normalisation(6).
Les règlements techniques sont d’application obligatoire et souvent imposés pour protéger la santé publique ou la santé des animaux ou encore l’environnement.
Ainsi, le nombre de normes-produit dépasse-t-il de loin celui des règlements techniques dans la plupart des pays industrialisés.
La certification sert à garantir que le produit ou le procédé de fabrication est bien conforme à la norme ou au règlement. Les normes-produit d’inspiration écologique concernent les retombées non de la production, mais de la consommation, retombées qui touchent les consommateurs ou des tiers.
b- Les incidences des normes-produit sur le commerce international
Les normes-produit sont un autre exemple de réglementations appliquées pour des raisons écologiques qui peuvent influer directement sur le commerce international. Comme elles s’appliquent généralement à tous les produits, quelle que soit leur origine, elles font obstacles aux importations quand :
-Elles sont différentes de celles qui sont en vigueur à l’étranger et ;
-Cette différence implique une augmentation des coûts unitaires de production ou de transport. Dans les deux cas, ces normes constituent des obstacles techniques au commerce.
D’une manière générale, les différences entre les normes et règlements nationaux provoquent une segmentation des marchés, même si chaque pays applique le principe du traitement national.
C-Les réglementations en matière de recyclage et d’emballage
Face à une augmentation rapide des déchets solides, de nombreux pays de l’OCDE se dirigent de plus en plus vers la mise en œuvre des réglementations strictes, rigoureuses, voire complexes en matière de recyclage.
Ces exigences imposent aux producteurs la réutilisation des éléments constitutifs des produits fabriqués, chose qui pénalise les PME exportatrices des PED en raison des difficultés techniques et financières liées à la collecte des produits recyclables ou la mise en place des installations de recyclage qui exigent d’importants investissements en capital.
Les réglementations en matière d’emballage peuvent aussi avoir un impact négatif sur les exportateurs des PED notamment l’accès au marché extérieur.
En effet, l’insuffisance des moyens financiers, techniques et économiques ne permet pas aux entreprises exportatrices des PED d’être habilitées à respecter des exigences concernant les types de conditionnement, les matériaux d’emballages et certaines procédures telle que l’obligation de reprise et les systèmes de consignes (7) .
(1) -OCDE : organisation de coopération et de développement économiques
(2) -kym Anderson et Richard Blackhurst, Commerce mondial et environnement , economica 1992, Paris, p 277.
(3) – Le postulat d’une situation de concurrence parfaite permet de mieux mettre en évidence les raisons qu’ont les entreprises de préférer une politique:ybb inefficiente.
(4) -Si elles ne le sont pas, les écologistes peuvent attaquer en justice les organismes compétents ou la branche de production
(5) -Leidy et Hoekman (1991) comparent le préjudice causé par une taxe à celui qu’entraîne la limitation de la production. Le fait que les bénéfices de la branche de production augmentent généralement en cas de limitation de la production n’empêche pas nécessairement de prouver l’existence d’un préjudice.
(6) – Américan National Standards Institue (ANSI), British Standards Institution (BSI), Dentsches Institution fur Normung (DIN), et Association Française de Normalisation (AFNOR), etc.
(7) -voir la section suivante concernant les instruments économiques.
L’approche réglementaire qui vient d’être sommairement décrite est souvent complétée et appuyée par l’approche dite économique, qui consiste à utiliser les « mécanismes du marché » afin d’envoyer des « signaux » en direction des agents économiques pour les inciter à adopter un comportement plus respectueux de l’environnement.